La Chose Mentale : des NFT à l’œuvre…
La 21e édition du festival Accès)s( est placé sous le signe des NFT (Non Fungible Token). Dans le sillage des monnaies dématérialisées comme le Bitcoin ou l’Ethereum, la technologie du blockchain s’est appliquée aux œuvres d’art numérique. Ce code algorithmique assurant l’identité, l’authenticité et la propriété de l’œuvre, celle-ci peut continuer d’être dupliquée sans que le fichier d’origine ne perde de sa valeur. La certification de l’algorithme la rend non-interchangeable. Par définition, cela devient un bien non-fongible (NFT). Cela ouvre désormais la voie à une spéculation comparable à celle de l’art contemporain…
On se souvient avec effarement des ventes astronomiques qui ont agité le microcosme de l’art numérique ces derniers mois. La palme revenant à Beeple qui a refourgué à l’insu de son plein gré, Everydays – The First 5 000 Days, un fichier de net-art à l’esthétisme déjà bien daté, pour 69,3 millions de dollars lors d’une vente chez Christie’s ! Pas en reste, Fred Forest a saisi l’occasion pour faire un « reboot » de son œuvre Parcelle Réseau, rebaptisée pour l’occasion NFT-Archeology. Objet virtuel accessible sous forme d’un code, visible sur écran et mit en vente symboliquement pour un dollar de plus que celui de Beeple, NFT-Archeology est présenté dans le cadre du festival Accès)s(.
De même que la Poésie transactionnelle de Maurice Benayoun, déclinaison de Value Of Values, qui joue sur la valeur de l’œuvre indexée sur les ondes cérébrales du spectateur ou « brain worker ». Coiffé d’un casque EEG, le brain worker contribue ainsi à l’évolution d’une forme (…), à travers un champs de données de satisfaction émises par son cerveau. Il en résulte un modèle tri-dimentionel (…), un archipel de formes travaillées et validées collectivement comme une “collection” et une monnaie, échangeable, négociable, collectionnable et imprimable. Chacun devient alors propriétaire de la forme à laquelle il vient de donner vie.
D’autres créations faisant appel à la réalité virtuelle et au cerveau sont aussi proposées. Avec J’ai fait ma maison dans ta boite crânienne, Jeanne Susplugas mêle expérience en VR et approche singulière et intime du fonctionnement de l’esprit humain. Invoquant l’incontournable Philip K. Dick, Stéphane Trois Carrés propose un monde brouillé, en décallé (Décalage) qui emprunte aux jeux vidéo et fait appel à l’homéomorphisme. Toujours dans le monde virtuel, on pourra (re)découvrir une des premières œuvres en VR de Mat Mullican, Five Into One 2 (1989). Une vidéo réalisée en 1992 par Jean-Louis Boissier accompagne ce voyage dans le temps.
À cela s’ajoute, plus récent, un film VR réalisé par Marie-Laure Cazin, Freud, la dernière hypnose Champ / Contre Champ. Un film qui « résonne » en un sens avec l’installation/performance de Virgile Novarina, Rêve quantique, mettant en scène un dormeur muni de capteurs qui semble interagir avec un mystérieux objet, une cuve transparente circulaire contenant un océan miniature, inerte en apparence — de l’eau dormante —, mais dont les mouvements intérieurs sont révélés au sol par un jeu d’ombre et de lumière.
Parmi les œuvres exposées, on note aussi la sculpture robotique de Samuel Bianchini & Didier Bouchon, Hors Cadre. Un hommage à Marcel Duchamp par Mathieu Mercier (Boîte-en-valise). Des œuvres mixtes : photographie et réalité augmentée pour Stéphanie Solinas (L’inexpliqué). Des vanités 2.0 : crâne de sel et dispositif audio pour le duo Scénocosme (Cogito Ergo Sum). Des dessins, photographies et vidéos inspirés de la télépathie : La machine à enregistrer la télépathie homme–animal de Marion Laval-Jeantet & Benoit Mangin, Pof XX / Protocole de Télépathie de Fabrice Hyber. Des « créations web-natives » sur un site dédié, pour une exposition virtuelle, par cinq artistes héritiers du net-art (Haydi Rocket, Marina Vaganova, Marie Molins, Marianne Vieulès, Ben Elliot).
Toutes ces œuvres nées de « l’esprit de la machine » sont-elles le dernier avatar des « choses mentales », selon l’expression de Leonard de Vinci pour qualifier la peinture il y a 500 ans ? La réponse reste en suspend… Outre des rencontres et conférences autour de ces thématiques, le volet musical du festival Accès)s( nous réserve quelques surprises. Notamment Les Corps Mécaniques de Florent Colautti qui mettent en jeu tout un appareillage (moteurs rotatifs, percuteurs, vibreurs, archets magnétiques). Pilotés via l’informatique, ces corps électro-mécaniques déploient une narration musicale et poétique expressive et sensitive, qui se nuance de matières sonores éclectiques.
Tiny Tramp, Couloir Gang, Undae Tropic, Merry Crisis et Jaquarius se relaieront lors d’une nuit electro le samedi 9 octobre. Mais, le même soir, c’est surtout Esplendor Geometrico qui retiendra toute notre attention. Actif depuis le tout début des années 80, figure majeur de l’industriel aux structures et rythmes métalliques dont il sait aussi se détacher pour retrouver des accents plus primitifs et corporels, le duo espagnol (Arturo Lanz et Saverio Evangelista) est incontestablement la tête d’affiche de cette soirée. Enfin, les amateurs de musiques extrêmes et d’expériences limites devraient être comblés avec la projection du film de Jérôme Florenville, logiquement intitulé À qui veut bien entendre (feat. Joachim Montessuis, Mariachi, Evil Moisture, Nikola H. Mounoud, VOMIR, Arnaud Rivière et plus puisqu’affinités…).
> Festival Accès)s( 21, du 4 octobre au 27 novembre, Pau
> https://acces-s.org/