Power to the commons
Pandémie oblige, la huitième édition d’Afropixel se déroulera en ligne. IRL, ce festival est basé à Dakar au Sénégal et porté par Ker Thiossane ; lieu de recherche, de résidence, de création et de formation autour du multimédia dans les pratiques artistiques. Cette manifestation est axée cette année sur la notion de Commun. Traduction littérale de l’anglais common, ce terme désigne les biens communs. Cette notion de propriété collective pour le bien — et non pas au profit — de tous a été réactivée dans le sillage de l’open-source, mais ne se limite pas au domaine du numérique. La crise sanitaire, économique et climatique que nous traversons actuellement rend cette nécessité de réappropriation, de retour aux communautés, et de solidarité encore plus impérieuse ; en particulier sur le continent africain.
Cette situation se complique encore sous le poids des techniques qui nous laissent entrevoir un futur de plus en plus rationalisé, globalisé, cadenassé… L’heure est donc à la riposte : la défense et la préservation des biens communs deviennent une lutte collective dans laquelle les artistes et les intellectuels ont un rôle essentiel à jouer. L’intention d’Afropixel est de croiser les regards entre artistes, penseurs et publics sur l’usage des technologies (…), à réfléchir à la nécessité de s’approprier les technologies pour agir localement en ouvrant la fenêtre à des futurs communs. Ces regards sont d’autant plus importants qu’ils apportent une vision décentrée, celle des Suds, en contrepoint à celle de l’Occident. Mais en invitant aussi des artistes et intervenants européens, Afropixel instaure un dialogue et un échange sur la manière d’expérimenter, de s’approprier et de détourner ces technologies émergentes.
Concrètement cela se traduit par une exposition virtuelle, intégralement disponible en ligne, qui présente des œuvres et installations incitant à une certaine prise de conscience des possibles dérives sociétales induites par ces technologies de contrôle qui transforment déjà notre vie quotidienne. Avec en exergue l’Intelligence Artificielle désormais capable de générer des créations originales, qu’elles soient musicales, picturales ou encore écrites. À cette exposition réunissant une dizaine d’artistes se rajoutent trois tables rondes (Agora) où il sera question du défi posé par l’IA, ainsi que du bien commun appréhendé sous le prisme de quelques concepts propre à l’hémisphère sud (buen vivir / sumak kawsay, pour l’Amérique Latine, l’Ubuntu ou la notion d’humanisme issu d’Afrique du Sud).
Ker Thiossane étant aussi un lieu de résidences, Afropixel est l’occasion de nous offrir un aperçu de ce qu’il s’y trame et fusionne. Comme pour les autres évènements du festival, ces restitutions seront accessibles en direct via des expériences virtuelles et des performances participatives. Ainsi, réunis autour de l’artiste et hôte Marcus Neustetter, une douzaine de participants s’attacheront à imaginer, explorer et montrer à quoi pourrait ressembler un futur commun. Une deuxième résidence plus ludique et acidulée devrait voir le collectif d’artistes japonais Nani$ôka entraîner le public dans une sorte de happening, entre concert, performance et rituel politique.
Deux ateliers sont également au programme. Le premier est réservé aux ados qui seront invités par le chorégraphe belge Ugo Dehaes — en collaboration avec l’artiste Doulsy et le Fablab maison Defko ak Niep (Fais-le avec les autres) — à fabriquer leur propre petit robot, sur le modèle de ceux qu’il a construits pour son spectacle Forced Labor. L’idéal pour s’initier à la programmation sur Arduino et aux techniques d’impression 3D pour l’habillage de ces anthropoïdes. Le deuxième, plus technique, permettra à des artistes et des jeunes d’Afrique de l’Ouest de se familiariser avec le data et deep learning sans lesquels l’Intelligence Artificielle ne serait rien.
Afropixel #8, powers to the commons
agora, performances, ateliers, expos avec Joy Buolamwini, Shalini Kantayya, Marta Revuelta, Filipe Vilas-Boas, Matthieu Cherubini, Ugo Dehaes, Melia Roger, Josefa Ntjam, Pre-Empt Collective, Faye Kabali-Kwaga, Nkhensani Mkhari…
> du 10 mars au 10 avril, online version
> http://www.ker-thiossane.org/
> https://www.afropixel8.com/