(Alger, Algérie)
Artiste plasticien, Ammar Bouras expose en Algérie et à l’étranger, depuis vingt ans, ses installations multimédias hybrides, où la vidéo et la photographie sont souvent présentées en murs d’images animées, de vidéos mouvementées ou de mosaïques photographiques, toujours au croisement de l’esthétique, du social et du politique. Dans son œuvre, la vidéo, support logique de son cheminement esthétique, est le médium privilégié, où il mêle peinture, photographie, sérigraphie…
Ammar Bouras est très présent sur la scène algérienne, notamment en 2009 au 1er Festival International d’Art Contemporain d’Alger (au Musée d’Art Moderne et Contemporain), et il est parmi les artistes les plus sollicités dans les événements internationaux, tels que Contact Zone au Musée National du Mali (Bamako) en 2007, le Doha Freedom and Creativity Festival (Qatar) en 2008, ou encore la 10ème Biennale de Sharjah (Émirats Arabes Unis), en 2011. Ses œuvres sont présentes dans plusieurs musées d’art contemporain en Afrique et au Moyen-Orient, ainsi que dans des collections privées internationales. Il co-signe avec Christian Lecompte l’ouvrage Poussières d’ange en 2003, et de nombreux textes de catalogues d’art lui sont consacrés; notamment sur ses œuvres Stridences Sangcommenttaire ? et L’être d’amour.
Né en 1964 à El-Milia (Algérie), Ammar Bouras vit et travaille à Alger. Ancien étudiant de l’École Supérieure des Beaux-arts d’Alger, il a été photographe-reporter pour plusieurs journaux algériens (Alger Républicain, Le Matin) de 1988 à 1993, pour ensuite enseigner la photographie aux Beaux-arts d’Alger de 1995 à 2006. Aujourd’hui encore, il est infographiste indépendant pour le journal El Watan Week-end.
Son activité de photographe, pratiquée dès les années ’90 sur le terrain d’une actualité tragique, l’a plongé de plain-pied dans un contexte politique qui va donner une nouvelle dimension et impulsion à son travail : par une approche critique de la politique; pouvoir, intolérance et violence des rapports humains deviendront omniprésents dans son œuvre. Les thèmes de prédilection d’Ammar Bouras sont toujours son quotidien, ses problématiques existentielles, tels que la vie, la mort, le rapport à l’autre et le besoin de l’autre, ou encore le politique.
Dès 1998, avec son premier ordinateur, Ammar Bouras découvrait les outils numériques et présentait sa première vidéo : Stridences Sangcommenttaire ?, un diaporama d’images fixes composé de photographies retouchées et d’articles de presse.
Selon l’artiste, la démocratisation des moyens de production et des outils numériques ne peut être que bénéfique pour la création artistique, si toutefois elle est accompagnée d’un travail de fond : un véritable enseignement et une volonté politique ouverts sur la notion d’art et de création, pour dépasser l’artisanat, le folklore, les effets et l’événementiel.
Son œuvre intitulée TAG’OUT, réalisée en 2011 dans le cadre de la Biennale de Sharjah, est pour lui la synthèse de quinze années de travail, où se retrouvent l’existence, la politique et le terrorisme. Une plongée intime dans le traumatisme des années ’90, sous la forme d’un tableau mosaïque de cinquante écrans avec des images d’actualité et d’autres plus intimes de ses archives personnelles, qui défilent et qui, par intermittence, se figent en divers tableaux : le dernier portrait du défunt Boudiaf quelques instants avant son assassinat, un autoportrait retouché, les parties d’un corps féminin…
Rachida Triki, critique d’art, commissaire d’exposition et professeur de philosophie et d’esthétique à Tunis, écrit à propos de l’artiste : Traqué par la terreur qui, en Algérie, a touché entre autres intellectuels et artistes, dans les années ‘90, il a vécu dans sa chair à la fois le drame de la guerre civile et celui d’être lui-même taxé de traître (“Taghout” en Arabe) à la cause de Dieu. Son drame était d’être, à l’époque, artiste et journaliste reporter. C’est pourquoi il a choisi de décliner les vrais visages des trahisons passées et sournoisement actuelles ; il le fait par une scénographie où un montage subtil de photos-peinture, de vidéo art et d’intervention plastique sur documents, participe à recréer l’émotion d’une expérience terrifiante […] Toutes les ressources du multimédia sont alors convoquées pour créer dans l’entre-deux de l’image “document-témoin” et de celle de la fiction vraie, l’espace visuel du drame de la Trahison.
Lors d’une résidence artistique effectuée en 2012 à La Chambre d’eau (Le Favril, Eure-et-Loir), il a commencé à travailler sur un projet d’installation vidéo, 24°3′55″N – 5°3′23″E, un va-et-vient entre l’Algérie et la France, qui traite d’une histoire commune, de leurs mémoires, de l’immigration clandestine, et des essais nucléaires français réalisés dans le Sahara algérien (notamment celui du 1er mai 1962 à In Ecker, qui a fait de nombreuses victimes).
publié dans MCD #71, “Digitale Afrique”, juin / août 2013
> www.art19.org/ammarbouras