à tire-d’aile
Issu d’une famille d’inventeurs, l’ingénieur marseillais Edwin Van Ruymbeke a conçu cet oiseau mécanique connecté qui bat des ailes et plane comme une hirondelle. Le drone furtif qui se pilote à l’aide d’un smartphone devrait se parer bientôt d’une caméra.
Si le modèle dominant du drone civil commercialisé aujourd’hui s’approche plus du hachoir volant et bruyant que d’une machine inoffensive et céleste, les oiseaux et insectes volants intéressent fortement l’armée et la recherche en ce qu’ils pourraient inspirer la nouvelle génération de drones. Pigeons, libellules, colibris et mouettes occupent ainsi nos chercheurs qui les prototypent au sein de laboratoires publics et privés. Dans cette lignée du biomimétisme, Edwin Van Ruymbeke, patron d’une petite entreprise, conçoit une machine légère et planante, un oiseau nommé Bionic Bird. Issu d’une famille d’inventeurs, l’homme reprend le flambeau, dépose des brevets et d’une trouvaille à une autre, l’oiseau se met à voler. Nous l’avons rencontré à Marseille, lui et les quatre personnes qui l’accompagnent dans cette histoire aérienne.
Dans 10 années, il y aura des drones partout dans le ciel de nos villes, il serait plus agréable qu’ils ressemblent à des oiseaux.
Edwin Van Ruymbeke entrevoit son Bionic Bird à l’inverse de la stratégie actuelle des grands fabricants de drones qui depuis des années sont partis sur une logique de puissance, une logique des machines, explique-t-il. Il est vrai que le Bionic Bird ressemble à un rêve d’une légèreté infinie sorti de la plume de son créateur, ingénieur aéronautique et fin observateur de mouettes, hirondelles et colibris. Gamin de Marseille, fils d’une famille oiseau, Edwin Van Ruymbeke sait le vent et les battements d’ailes. L’homme joue de calculs visionnaires, explore de nouvelles matières et se laisse embarquer par ses intuitions.
Pourquoi ne pas s’inspirer de la nature qui offre de voler en toute légèreté, longtemps, loin et vite, interroge le créateur. Le Bionic Bird épuisé ne s’écrase jamais, il plane simplement sur quelques mètres, puis se pose délicatement à terre. Et, lorsqu’il vole, c’est avec peu de besoin en énergie qu’il y parvient, laissant parfois ses micro-moteurs à l’arrêt. L’oiseau de mousse et de carbone est léger, il pèse moins de 10 grammes.
Le modèle d’Edwin, c’est le Tim Bird de son grand-père, l’oiseau de plage à élastique, volant sans violence, sans effort et sans bruit sur les rivages de nos enfances. Les ornithoptères existent depuis très longtemps, évoque l’ingénieur, les premiers modèles étaient en bois de balsa et ressemblaient à des mouettes. C’était une performance de réussir à faire voler ces constructions aux ailes de soie. Le Tim Bird, lui, a résisté au temps, fabriqué en série par l’entreprise familiale à des millions d’exemplaires et toujours là, toujours présent.
En 2009 et après quelques années de recherche, Edwin Van Ruymbeke sort l’Avitron, un oiseau télé radio-commandé et volant sur le principe du battement d’ailes du Tim Bird. Mais la mode est alors aux jouets hélicoptères et l’oiseau filial passe inaperçu. Edwin ne lâche pourtant pas ce rêve de voler furtivement et pense une nouvelle machine, un objet connecté auquel il tient : le Bionic Bird. L’oiseau sort en décembre 2014 grâce à quelques milliers de doux rêveurs emballés par le projet et s’engageant sur l’une des plateformes de financement participatif.
ll faut aller chercher dans le ciel, trouver ses propres règles, ses propres lois et concevoir une théorie sur l’aile battante.
Si l’hélice existe depuis plus de cent ans, précise Edwin Van Ruymbeke, l’aile mécanisée n’a pas son modèle. Ainsi et pour comprendre ce qu’il s’agit d’inventer, l’homme observe minutieusement les oiseaux, il s’en rapproche. Comment le Bionic Bird peut-il s’orienter lorsqu’il vole ? Comment agir mécaniquement avec un système beaucoup plus simple que celui du gouvernail des avions et éviter d’affliger l’oiseau de gouvernes sur ses ailes ? Que concevoir pour une machine sans muscle et sans plume ?
Edwin Van Ruymbeke cherche donc réponse dans le ciel, là où les oiseaux se dirigent bien plus avec leurs ailes qu’avec leur queue, explique-t-il. C’est à partir de cette observation qu’il conçoit la déformation de l’aile comme principe d’orientation pour son Bionic Bird. Cette invention ne se perçoit pas lorsque nous regardons l’oiseau de carbone voler parmi les mouettes marseillaises. Pour comprendre ce que veut dire la déformation d’une aile, il faut saisir l’oiseau bionique dans le creux de la paume afin qu’il ne s’échappe pas, puis incliner son téléphone délicatement. L’invention est probante, les ailes se plient et se déplient sensiblement. Sans doute s’agit-il à présent pour nous d’apprivoiser notre téléphone doté de la récente Flying App afin de contrôler, de piloter à distance le Bionic Bird ?
Je veux un œuf.
Inventer, c’est aussi se confronter à l’adversité de la réalité technique ou technologique pour réussir à en dépasser les contraintes, constate Edwin Van Ruymbeke. Et si ce dernier se porte sur la biomimétique animale pour concevoir son oiseau, il nous observe aussi, nous, Homo sapiens. Il sait que nous n’avons pas envie d’éventrer notre Bionic Bird avec une énième connectique USB pour qu’il se recharge d’énergie. Il connaît nos gestes et désirs à l’envi. L’ingénieur invente pour nous un chargeur aux minuscules aimants rétractables, il veut un chargeur-œuf aux contacts magnétiques. L’objet de 39 grammes réalisé par son équipe porte et recharge l’oiseau avec élégance, nous promettant assez d’énergie pour quelque 8 minutes et une dizaine de vols.
Cela arrive que l’oiseau plane avec un ascendant et ne s’arrête plus jamais.
Fermons les yeux et rêvons aux promesses de l’homme-oiseau. Le Bionic Bird à venir, explique Edwin Van Ruymbeke, sera doté dans quelques mois d’une caméra embarquée conservant la même finesse de vol que l’oiseau actuel. Il sera tout aussi léger et les images prises seront très fluides, car il n’existera aucune vibration machinique recalculée, le mouvement est naturel. Puis, ce Bionic Bird exécutera des vols stationnaires, tel le colibri, bec au vent. Et ses micro-moteurs seront remplacés par un alliage à mémoire de forme pour contrôler l’angle de la queue en vol, sorte de muscles de biométal. Edwin Van Ruymbeke réfléchit déjà au motion control pour son Bionic Bird futur. Dans quelques années, il évoluera dans le ciel en réponse à nos gestes précis, il filmera nos images vues du ciel, il sera le récepteur de nos désirs, l’émetteur de nos envies.
Agnès de Cayeux
propos recueillis le jeudi 26 février 2015 à Marseille
publié dans MCD #78, « La conjuration des drones », juin / août 2015
> www.mybionicbird.com
Oiseau
9.2 g
17 x 33 cm
Autonomie en vol normal : 7,5 min
Moteur principal puissant (1,2 watt en sortie)
Contrôle de puissance très précis : 128 pas
Vitesse rotation moteur à vide : 53 000 rpm
Vitesse rotation moteur en charge : 35 000 rpm
Fréquence battement ailes max : 18 Hz
Amplitude battement ailes : 55°
Angle de queue ajustable pour des vols lents ou rapides
Poussée max ailes : 10 g
Contrôle de direction par déformation de voilure
Finesse en vol plané grâce à sa charge alaire très faible (3.42 g/dm2)
Batterie hybride lithium polymère embarquée : 50 mAh (1.6 g)
Temps de charge : 12 min
Œuf
36 g
57 x 45 mm
Autonomie : 75 min de vol
Batterie LiPo capacité 800 mAh
Temps de charge par USB : 90 min
Flying app
Protocole : Bluetooth
4
Portée contrôle de l’oiseau en vol : 100 m
Contrôle tactile des gaz et de la direction par inclinaison du téléphone
Capteurs utilisés : magnétomètre, accéléromètre