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    Chaos Computer Club

    S’il fait partie des plus grands groupes de hackers mondiaux le Chaos Computer Club (ou CCC) est avant tout un espace de rencontre et d’échange (idéologique, technique) global, réunissant hackers, spécialistes du détournement des protocoles et activistes politiques, dont les activités concernent les différentes formes de sécurité informatique et de protection des données (privées ou gouvernementales). Désormais investi dans le combat pour protection des données personnelles et le respect de la vie privée (depuis l’Affaire Snowden), le Chaos Computer Club s’attache à la dénonciation politique, par l’action, du non-respect des droits fondamentaux des utilisateurs du réseau.

    Chaos Computer Club Flag.

    Chaos Computer Club Flag. Photo: D.R.

    Collectif mouvant, intouchable et idéologiquement vaste fondé en 1981 à Berlin, le Chaos Computer Club forme la plus vaste association de hackers d’Europe. Entité insaisissable, puisque composée d’une multitude d’individualités, de sexes, origines géographiques et ethniques, voir idéologiques, variées, le CCC est un groupe d’activistes, ou une « communauté globale », principalement germanophone, à ne pas confondre donc, avec le « Chaos Computer Club France »; un faux groupe de hackers monté de toute pièce par Jean-Bernard Condat, alias Le concombre, pour le compte des services de renseignements français… Sa première apparition à Berlin est rapidement suivie par celle d’un autre groupe, à Hambourg cette fois (CCCH), qui deviendra le lieu de réunion annuelle du collectif. Actif dès le début des années 80, le Chaos Computer Club opère sur les premiers réseaux de communications existants (Minitel, Videotext ou Bildschirmtext).

    Rapidement investit dans des opérations d’attaques informatiques de grandes envergures, le Chaos Computer Club s’est rendu célèbre en 1984 en hackant le Minitel allemand (le fameux système Videotext du BTX (abréviation de Bildschirmtext), cousin germanique du Minitel). Totalement inconnu du grand public, le CCC entre ainsi dans la légende des (h)activistes informatiques par le biais de Wau Holland et Steffen Wernéry, les deux hackers connus pour être à l’origine de cette attaque. Au début des années 90, le Chaos Computer Club fait également parler de lui dans les journaux internationaux. En 1989, le hacker Allemand Karl Roch connu dans les années 80 sous le pseudonyme de Hagbard, fut en effet arrêté et accusé d’avoir lancé des actions de cyber-espionnage en faveur du KGB. Roch connaît une fin tragique à fort retentissement médiatique puisqu’on retrouve son corps brûlé à l’essence, dans une forêt près de Celle en Allemagne. Pourtant, et au-delà de cette affaire, le Chaos Computer Club a toujours milité pour la sécurité des données et la mise en place d’un « net viable » (1).

    29C3, 29ème congrès du Chaos Computer Club. 27 Décembre 2012, Hambourg, Allemagne.

    29C3, 29ème congrès du Chaos Computer Club. 27 Décembre 2012, Hambourg, Allemagne. Photo: © Malte Christians

    Protection des données, le crédo du CCC
    Globalement, il est reconnu que chaque attaque du Chaos Computer Club depuis les origines, est réalisée dans un but clairement défini : mettre en évidence, dans un système informatique donné, les failles permettant des intrusions, soit par des services de renseignement étranger, soit par d’autres hackers mal intentionnés. Pour les membres du CCC, transparence, contournement de la censure, whistleblowing (ou Lanceur d’alerte), protection des données, participe à la politique de neutralité du Net. Une notion fondamentale qui fait partie des canons fondateurs de l’association. Pour la plupart des membres du Chaos Computer Club, ces principes font partie des conditions fondamentales favorisant l’expression de la vie politique et culturelle sur internet. Ainsi, quand les hackers du CCC attaquent une société, ou le réseau d’un gouvernement, c’est souvent — la plupart du temps — afin de mettre en évidence les défauts de ce système. A contrario, les attaques peuvent aussi viser à rappeler (« whistleblower », ou lancer une alerte mais aussi rappeler à l’ordre) les autorités compétentes en matière de télécommunication ou les gouvernements fautifs de non-respect de la sphère privée numérique de ses citoyens (2).

    Du hacking « préventif » au respect de la vie privée
    Principalement axé depuis ses origines, les années 80, sur le domaine de la sécurité informatique, le Chaos Computer Club s’intéresse aujourd’hui à la protection des données, affaire Snowden oblige. Le 03 février dernier, le Chaos Computer Club, soutenu par la Ligue internationale des droits de l’homme, a par exemple lancé une plainte contre Angela Merkel, ainsi que son ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière, accusés entre autres d’avoir autorisé les services de renseignement et de contre-espionnage allemands mais aussi les services de renseignement américains (NSA) et britannique (CGHQ) à pratiquer des écoutes sur les communications des citoyens Allemands. En 2012, Le groupe de hackers allemands dévoile les fondations de ce qui pourrait devenir un nouveau système de communication en réseau, autrement dit, les bases d’un Internet totalement libre. Il s’agit de l’Hackerspace Global Grid, un réseau global de communication entièrement conduit par satellites et indépendant des relais habituels. Le but étant de rendre la communication par satellite disponible à toute la communauté HackerSpace et à l’ensemble de l’humanité (3), et de permettre ainsi de contourner la censure, et le traçage des données par les gouvernements.

    Chaos Computer Club Logo

    Chaos Computer Club Logo. Photo: D.R.

    Militer pour un internet indépendant et souverain
    La neutralité du Net est un acte de foi pour les principaux membres du CC pour qui l’accès à Internet est un droit fondamental. En 2010, ceux-ci ont d’ailleurs édité une charte à visée politique très claire, dont les principaux fondements exigent qu’aucun fournisseur d’accès n’ait le droit de modifier l’accessibilité, la priorisation ou le débit de son réseau en fonction du contenu. Il y est aussi demandé que les questions de politique pratique doivent être placées au premier plan. La conception et l’attribution de projets technologiques et numériques publics, par exemple, ne doivent plus être considérées uniquement comme des projets de financement de l’industrie informatique. Et aussi que les données publiques soient gérées de manière transparente ou encore d’empêcher le profilage des utilisateurs du réseau (4).

    Au-delà de l’aspect purement technique, du hacking et de l’exploitation spectaculaire qu’en font les médias, il est bien évident, à la lecture de ces déclarations que le Chaos Computer Club est une entité politiquement consciente aux visées très précises. Concrètement, l’expérience d’un tel groupe d’activistes est un atout pour tout gouvernement ou entité privée prête à tendre l’oreille aux conseils que le CCC peut prodiguer. Il est dommage, à l’heure du cyber-espionnage et de la « cyberwarfare » (la guerre économique ou stratégique larvée entre États via les réseaux informatiques) que ces talents ne soient pas mis à profit de manière plus efficace, dans une optique politique, au profit du citoyen. L’ignorance d’un tel potentiel est un risque que les gouvernements et les « décideurs économiques » de devraient pas encourager.

    Maxence Grugier
    publié dans MCD #77, « La Politique de l’art », mars / mai 2015

    > https://www.ccc.de/

    (1) Déclaration du CCC à l’occasion du Chaos Computer Congress 27c3, congrès organisé à Berlin du 27 au 29 décembre 2010.

    (2) Tourisme de catastrophe au congrès du Chaos Computer, sur fond d’affaire Snowden. Annabelle Georgen, Slate.fr 01.01.2014 : www.slate.fr/monde/81785/congres-chaos-computer-club-nsa

    (3) Déclaration du CCC datée du 3 janvier 2012.

    (4) Déclaration du CCC à l’occasion du Chaos Computer Congress 27c3, congrès organisé à Berlin du 27 au 29 décembre 2010.

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