Espaces Soniques
À City Sonic, l’art sonore renvoie invariablement aux espaces de diffusion parsemant la ville de Mons qui l‘accueille. Un rapport indéfectible à l’espace public renforcé par le choix des artistes invités à sa huitième édition, qui s’intègre dans une action de programmation ludique et pédagogique, et où l’idée de réseau garde toute sa prévalence.
Spectres sonores
Habituel parent pauvre des connections entre pratiques artistiques et espace public, le son a trouvé à Mons, en Belgique, un véritable havre d’expression. C’est dans le cadre du festival City Sonic, tenu cette année du 27 août au 12 septembre, que ce rapport entre l’urbain et le sonore se tisse depuis huit ans dans la capitale du Borinage. Une approche à l’expressivité douce, qui s’accommode de cet environnement architectural historique, intriqué et tranquille, renforçant ainsi la subtilité informelle de spectres sonores s’emparant de lieux insolites comme autant de véritables terrains de jeux et d’espaces d’expérimentations idoines.
Une fois encore, c’est à un véritable parcours au cœur de la ville que Transcultures et Philippe Franck, organisateur de l’évènement, invitent le public. Et une fois encore, la Machine à Eau, le site des Anciens Abattoirs ou encore la Salle Saint-Georges – Grand’ Place sont mis à contribution pour accueillir salons d’écoute, performances et installations concoctés par une trentaine d’invités internationaux.
Le son, outil d’un rapport à l’espace
Parmi eux, on note cette année notamment les présences de Diane Landry, de Laura Colmenares et Todor Todoroff, des collectifs MU et Lab[au], du laboratoire de recherche en art sonore Locus Sonus. Des artistes aux pratiques tournant autour d’incursions multidisciplinaires variées (musiques actuelles, arts visuels, arts numériques, création radiophonique…), mais où le son et sa capacité d’occupation, de structuration ou de restitution d’un espace donné constituent un fil conducteur partagé.
Les architectes sonores de Lab[au] utilisent ainsi ce rapport entre le son et l’espace pour contribuer à la configuration de projets urbanistiques (l’installation cybernétique et interactive Binary Waves, panneaux pivotants et lumineux posés sur les bords du canal de Saint-Denis en 2008) ou de réalisations plus intérieures (Framework 5x5X5 et ses modules cinétiques)
Porteur du projet Sound Delta en 2008 — des péniches itinérantes transformées en studio de studios sonores mobiles sur le Danube et le Rhin — et soutien du festival Filmer la Musique à Paris, le collectif Mu joue aussi sur ce travail de remodelage d’une identité sonore en constante gestation.
Field spatialization
Avec des artistes-chercheurs comme Julien Clauss, Anne Roquigny ou Jérôme Joy, le laboratoire Locus Sonus travaille sur les espaces sonores et la field spatialization, la spatialisation sonore combinant l’articulation des espaces locaux et distants. Un principe actif où le transport des sons et des ambiances passe par une combinaison de dispositifs de streaming en direct via Internet, de véritables webcams sonores induisant ces environnements sensoriels à l’affût de leurs propres variations.
Quant à la Québécoise Diane Landry, ces « œuvres mouvelles », qu’elles prennent la forme d’installations, de sculptures ou de performances, utilisent le son comme outil évident de falsification et de transformation d’objets de notre quotidien. Comme en témoignait encore récemment son installation sonore avec automatisation Chevalier De La Réalisation Infinie, réalisée à partir de bouteilles en plastique.
Le réseau et la nouvelle étape brusseloise
Mais surtout, City Sonic a choisi pour son édition 2010 de s’inscrire davantage dans une logique de partenariat et de réseau. Cette année, la manifestation est en effet le volet belge de Diagonales : son, vibration et musique dans la collection du Centre National des Arts Plastiques, un parcours itinérant d’expositions en France, en Belgique et au Luxembourg. Un axe convergent symbolisé dans la grande halle du site des Abattoirs à Mons par la jonction entre la culture pop-rock, le son et les arts plastiques, avec les interventions du platiniste Christian Marclay, du plasticien Steven Parrino, de l’artiste multimédia Malachi Farrel ou encore de la vidéaste post-pop Pipilotti Rist.
Une réflexion élargie qui a permis à City Sonic de trouver son prolongement à Bruxelles dans le cadre de Sonopoetics : de la parole à l’image, de la poésie au son, du 3 au 18 septembre 2010, à l’Institut Supérieur du Langage Plastique (ISELP). Une exposition d’oeuvres plastiques et graphiques liées à la poésie sonore, assortie de conférences, projections et performances, où des pièces de Bernard Heidsieck, Henri Chopin, Maurice Lemaître, pour les Français, et de John Giorno ou Brion Gysin pour le volet beat anglo-saxon sont particulièrement mises en avant. Un sens de l’ouverture qui s’inscrit bien dans le fil éclairé et vulgarisateur tiré par City Sonic.
Laurent Catala
MCD #60, juillet-aout 2010
Site: http://citysonic.be/