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    Fabrication de proximité

    Covid-19 : en Centre-Val de Loire, qui fait quoi ?

    Pour répondre à l’urgence du Covid-19, des modèles productifs multi-sites ont émergé spontanément aux quatre coins de la France. Tour d’horizon de ces « chaînes de production » en région Centre-Val de Loire.

    Masques Décathlon avec adaptateur « Thérèse » livrés pour l’Hôpital Bretonneau à Tours. Photo: © McPeter Blinckers

    Au fil des semaines confinées et des demandes croissantes en fabrication d’EPI (Équipements de Protection Individuelle), les initiatives se sont multipliées suivant différents modèles organisationnels. Il y a la version « micro-usine citoyenne », dans laquelle des makers et makeuses – des particuliers, auquel se mêle le tissu local associatif et entrepreneurial – impriment sur leurs bécanes 3D des portes-visières ou fabriquent des masques en tissu. L’organisation de ces collectifs passe par des groupes Facebook dans lequel des coordinateurs ont trouvé la porte d’entrée vers les bons services, les bonnes personnes dans les hôpitaux pour faire valider un modèle de visière ou de masque.

    Il y a la version « filière », souvent des écosystèmes existants, qui fait collaborer des enseignants-chercheurs, des ingénieurs-makers, des industriels locaux, en dialogue avec des centres hospitaliers. On observe également un troisième modèle, hybride, celui de « l’usine partagée » qui s’appuie sur un réseau de structures disposant d’outils de prototypage rapide (PME, laboratoires publics et fablabs), comme en témoigne l’expérimentation inédite lancée fin mars par la Région Normandie et Le Dôme à Caen, en lien avec la préfecture et l’Agence Régionale de Santé.

    Le modèle de connecteur « Martine » est fait pour transformer un masque Décathlon en masque à oxygène avec poche. Photo: © Makers contre le Covid 37

    Micro-fabrication urbaine et rurale

    Les encouragements du Réseau Français des Fablabs à documenter la mobilisation des makers, motivent la création d’un espace contributif en ligne (pad) pour recenser les initiatives en région Centre-Val de Loire. Car la « chaîne de production multi-sites » qui se met en place en Normandie, existe dans chacune de nos régions : documenter collectivement ces dynamiques de fabrication distribuée est une manière de la révéler.

    Lancées le 2 avril par le Funlab (fablab citoyen à Tours), 7 initiatives y sont recensées à Chartres, Orléans, dans l’Indre et en Touraine. Dix jours plus tard, la cartographie s’étend aux 6 départements avec plus d’une trentaine d’actions, 15 000 visières et 7 000 masques fabriqués sur le territoire. Si l’inventaire du parc matériel d’imprimantes 3D en région Centre était une photo de famille, cela ressemblerait à une drôle de cousinade avec des écoles d’ingénieurs, écoles d’art, hackerspaces, centres de formation, Maison Familiale Rurale, ateliers partagés, fablabs associatifs et industriels, petites entreprises et de nombreux garages ou bureaux à la maison dans lesquels tournent jour et nuit les machines.

    C’est un Vendômois, Yann Marchal (fondateur d’une recyclerie et membre du fablab associatif Vendôme Atelier Numérique) qui lance le groupe Facebook « Makers contre le Covid » en mars dernier (passé de 487 membres à la mi-mars à 4189 aujourd’hui). Les micro-usines citoyennes essaiment en région Centre-Val de Loire à travers des collectifs actifs à l’échelle départementale comme « Une visière pour une vie » dans le Loir-et-Cher, « COViS18 – Visières Solidaires du Cher », « Makers solidaires Loiret » ou « Makers contre le Covid – 37 ».

    Conception et fabrication de systèmes techniques issus du projet collaboratif francilien 3d4care. Photo: © 3d4care.org

    Vis ma vie de visière

    Les makers de l’Indre-et-Loire (37) fournissent en priorité les soignants : Communautés Territoriales Professionnelles de Santé, EHPAD, Ordre des médecins, pharmacies et autres travailleurs au contact de personnes potentiellement malades. La chaîne de production va des concepteurs (modélisation et aide au design), aux « printers » (celles et ceux qui impriment à la maison), assembleurs (des « duos confinés » qui viennent assembler les kits dans un lieu mis à disposition) et livreurs de kits, en passant par les logisticiens (qui récupèrent les dons en fournitures et gèrent l’approvisionnement chez les printers) sans oublier la gestion des canaux de diffusion, la cagnotte, la communication et la coordination avec le CHU pour valider le matériel.

    Si la production s’était focalisée jusqu’à présent sur des visières 3D, après plusieurs aller-retours de conception et d’étapes d’homologation avec le CHRU de Tours, la production d’embouts pour convertir les masques Décathlon en masques « soignants » et en masque à oxygène est désormais en route depuis le 11 avril.

    En Eure-et-Loir, le hackerspace BetaMachine à Chartres a très tôt fédéré sa communauté pour se lancer dans la confection de masques et de surblouses, l’impression de visières pour lesquelles on peut passer commande directement sur leur site et la remise en état d’ordinateurs ensuite distribués aux familles pour les aider à maintenir l’apprentissage à la maison.

    Dans la métropole orléanaise, le wiki de l’association La Labomedia met à disposition le fichier de visière validée par le CHRO imprimé en série par les structures locales : Polytech, l’IUT d’Orléans et l’IndustryLab. Ce dernier vient de mettre au point un nouveau procédé de fabrication de masques à visière, plus rapide que la 3D, combinant découpe et thermoformage afin d’augmenter le volume de production.

    Impression de visières dans l’Atelier du c01n de la Labomedia à Orléans. Photo: © Camille Danioux

    Sortie d’usine

    Portes-visières de protection faciale, valves d’adaptation pour masque, raccords techniques pour respirateurs artificiels, respirateurs artificiels complets, manipulateurs de poignées de porte, masques filtrants, pousse-seringues, système de décontamination. Voilà à peu près à quoi ressemble la sortie des usines nouvelles en France depuis la mi-mars. Ce matériel de protection sanitaire (qui ne figure pas dans la liste de produits stratégiques établie par la Direction Générale des Entreprises) traduit là un besoin massif et diversifié en équipement, à l’heure où nous rentrons dans une nouvelle phase, celle du déconfinement et de l’anticipation de nouvelles vagues.

    Entre la constitution de chaînes de conception-validation-production-distribution cohérente dans les territoires et les temporalités envisagées (de l’usine éphémère au développement de filière), on peut dire que cela tâtonne encore. Quoi qu’il en soit, et à la lumière de l’expertise en fabrication distribuée démontrée par les makers depuis 4 semaines de confinement, le véritable basculement productif et culturel n’est certainement pas de « mettre tous ses œufs dans le même panier » de l’industrie et penser l’offre de fabrication de proximité de demain avec les différents maillons de la chaîne.

    Le 10 mars dernier, la rédaction de Makery interviewait Charles Fournier, vice-président de la Région Centre-Val-de-Loire en charge de la transition écologique et citoyenne et de la coopération, au sujet de la Fab City et de la relocalisation de la production. Ça paraît loin (le 10 mars !), et pourtant (l’économie relocalisée), nous y sommes.

    Catherine Lenoble
    publié en partenariat avec Makery.info

    Merci à celles et ceux qui ont passé du temps pour échanger sur leurs initiatives ou documenté leurs actions sur le pad « makers Centre Val de Loire » afin de nourrir cette investigation confinée.

    https://twitter.com/LoiretCherTech/status/1247413856676253696?s=20

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