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    ISEA2020

    l’art du ressenti

    Covid oblige, ISEA2020, initialement prévu en mai à Montréal dans le cadre du Printemps Numérique, se tiendra finalement du 13 au 18 octobre sur le réseau. Pour l’occasion, le 26ème Symposium International sur l’Art Électronique se réinvente autour d’une thématique singulière : Why Sentience?

    Loin d’être une contrainte, cette édition en ligne d’ISEA2020 permet au contraire de multiplier intervenants et participants, de réaffirmer le caractère international de cette structure (anciennement Inter-Society for the Electronic Arts), de tisser des interactions et discussions avec un public encore plus large. Rappelons que cette organisation à but non lucratif fondée aux Pays-Bas en 1990 a pour vocation de favoriser le dialogue art / science. Cet événement est une vitrine des productions créatives appliquant les nouvelles technologies dans l’art électronique, l’interactivité et les médias numériques. Basée à l’Université de Brighton en Angleterre, ISEA s’était déjà déroulée à Montréal en 1995. Une édition a eu lieu à Paris en 2000. D’autres à Singapour, Sydney, Dubaï, Hong Kong, Durban…

    Photo © Jeremy Segal

    L’année dernière à Gwangju, en Corée du Sud, le thème choisi était celui de la lumière éternelle (Lux Æterna). Cette année, les créations, débats et propositions tourneront autour du mot composite « Sentience ». Ce terme est une contraction de ressentir-sentir-créer du sens. Concept oublié des philosophes des Lumières et d’une partie des philosophies orientales, ce mot désigne aujourd’hui tout ce qui se rapporte au ressenti du vécu, aux épreuves d’une expérience subjective. On perçoit tout ce que cela implique quant aux spéculations sur la conscience animale, par exemple… Dans le cadre d’ISEA2020, l’accent est mis sur sept axes.

    Maria Molokova, Optical Hearing 2019. Photo © Ksenia Fedorova

    De fait, le premier questionnement sera justement consacré à l’animalité. Le deuxième champ de questions concernera le monde écosophique, c’est-à-dire l’écologie au sens large (climatique, mentale, etc.). À l’aube de l’intelligence artificielle et de la robotique généralisée, le troisième s’intéressera au monde des machines. Le quatrième répondra à un positionnement militant en prise avec l’actualité brûlante sur les notions de « race », de « genre », de « normes »… Le cinquième questionnera la matière ; celle des corps comme celle des circuits imprimés. Le sixième fera place à la critique techno-politique (surveillance, racisme, militarisation, contrôle, inégalités, néolibéralisme…). Le dernier axe engagera une réflexion prospective planétaire autour des défis sociaux (local/global, flux migratoires, etc.).

    Photo © Patricia Olynyk

    On le devine à l’énoncé de ce programme, la résurgence du concept de sentience en ce début du 21e siècle est pertinente pour appréhender la période charnière qui est la nôtre de manière pluridisciplinaire ; c’est-à-dire dans l’art et le design récents, les études médiatiques, les études scientifiques et technologiques, la philosophie, l’anthropologie, l’histoire des sciences et le monde des sciences naturelles – notamment la biologie, les neurosciences et l’informatique. Concrètement, cette question centrale du ressenti au-delà, avec et autour du corps humain se retrouve amplifiée par la pandémie, comme le souligne les organisateurs d’ISEA2020. Et les propositions artistiques et technologiques présentées dans cet événement, si elles ne permettent pas toutes de répondre concrètement et immédiatement aux défis qui sont désormais les nôtres, ouvrent des pistes et permettent d’entrevoir l’éventuel monde d’après…

    Photo © Jonathan Parsons

    Parmi les débats annoncés, on notera des discussions axées autour de la réévalutation du travail des femmes au travers d’instruments de musique fabriqués avec des objets domestiques sous la direction de Douglas Brock, sur la prise en compte des objectifs, désirs et perceptions visuelles inter-espèces et non-humaines par Carlos Castellanos, Elizabeth Demaray, Ken Rinaldo et Amy Youngs, sur les notions de création, comportement et d’imagination dans le processus d’apprentissage automatique (machine learning) par Stephen Kelly, Sofian Audry, Ben Bogart, Stephanie Dinkins et Suzanne Kite, sur la Terre, le ciel et l’espace extra-atmosphérique par Kathy High, Kira O’Reilly et Marie-Pier Boucher…

    Photo © Jonathan Parsons

    Concernant les artistes, signalons la télé-présence de Larbitssisters, David Garneau, Suzanne Kite, Marco Barotti, Quentin Vercetty, Scott Benesiinaabandan… Au total, en plus de nombreuses conférences, ateliers et présentations de projets, ce sont pas moins de 80 œuvres et performances conçues par 105 artistes locaux et internationaux qui seront accessibles en ligne, à la fois sur la plateforme d’ISEA2020 et un site dédié pour chaque proposition, moyennant un forfait sous forme de passe qui donne aussi un accès complet à MTL, la Semaine Numérique de Montréal.

    Laurent Diouf

    ISEA2020, conférences, expositions, ateliers, performances, présentations
    26ème Symposium International sur l’Art Électronique,
    édition en ligne, du 13 au 18 octobre
    > https://isea2020.isea-international.org/fr/

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