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    La réponse des makers en Occitanie

    Un effort d’agilité, de dialogue et de faire ensemble

    Antoine Ruiz-Scorletti, 28 ans, est maker avant tout ! Mais il est également le fab manager du Roselab, le fablab de La Cité à Toulouse, mais aussi un des coordinateurs du RedLab, le réseau des fablabs & Assimilés d’Occitanie, et administrateur référent communication du Réseau Français des Fablabs.

    Artilect et Airbus ont produit plus de 50 000 masques chirurgicaux pour le CHU de Toulouse. Photo : © Artilect

    Quel rôle a joué votre fablab pendant la crise, et plus largement les fablabs et collectifs de makers dans votre région ?

    Dès le début de la crise, les membres de notre réseau se sont immédiatement mobilisés pour répondre à l’urgence sanitaire, éducative et sociale provoquée par le Covid-19. Nous avons mené de nombreuses actions collectives grâce à un dispositif de fabrication distribuée à l’échelle régionale. Les premières actions ont été instinctives, notre objectif était d’aider par ce que l’on sait faire : faire ensemble, rapidement et efficacement.

    Réunions hebdomadaires, partage de modèle de visières ou de masques, structuration logistique et légale, communication, création commune de prototypes, rapprochement avec les groupes d’entraide makers, les différentes organisations (RFFLabs, France Tiers-Lieux, les CCI, les mairies…). En quelques jours, on était opérationnel pour répondre ensemble aux besoins et produire des solutions (100 000 visières et 50 000 masques distribués).

    Nous avons également développé des prototypes de masques FFP2, des nouveaux modèles de visières, des tests d’objets sanitaires tels que les respirateurs. Enfin, nous avons aussi développé des actions de médiation numérique en soutenant la MakerCrew en créant très rapidement un évènement distribué les Apéro[Ma]kers ou encore le Minitel du Faire (application de ressourcerie avec 600 utilisateurs quotidiens). Notre effort a été intense pour répondre à tous les enjeux de la crise.

    Prototype de masque FFP2 entre le Roselab (fablab), Makers&Co (collectif de makers professionnels), EmotionTech (entreprise d’imprimante 3D) et Mask Attack (groupe d’entraide sur la couture). Photo : © Makers&Co

    Comment s’est articulé le lien entre réseaux de proximité, réseaux régionaux de fablabs et les réseaux nationaux (RFFLabs, France Tiers-Lieux…) ? En quoi ces interactions de réseaux ont-elles nourri l’action en local ?

    Nous avons fonctionné sur un système à échelle et très « fabrégion » : produire localement et être globalement connecté. Chaque fablab s’est concentré sur les besoins et les acteurs les plus proches de son territoire puis s’est connecté à l’échelle de la ville ou du département avec un lien fort avec l’ensemble de la région par le biais du RedLab et au national via le RFFLabs.

    J’ai participé à une partie de la communication du RFFLabs ce qui été primordial, car les makers étaient dans l’attente de relais. Nous avons également pris part à l’ensemble des réunions, enquêtes, sondages demandés par France Tiers-Lieux. Bénédictes Amigues, de Createch ou Mentzo de Winter de Labsud ont, par exemple, assuré ce suivi pour le RedLab avec un lien important avec les actions nationales.

    Enfin, il y a eu une longue phase de médiation avec les makers indépendants, les entreprises du territoire ou les collectivités. Ces différentes actions et surtout cette mise à échelle ont été nécessaires et bénéfiques pour l’ensemble de nos membres. Ces actions ont été possibles, car un réseau distribué était déjà présent sur place. On se connaissait, on faisait ensemble et on savait pourquoi nous faisions. Le mouvement maker n’a jamais été aussi beau et vrai.

    Avez-vous développé des collaborations avec le tissu industriel de votre région ?

    Immédiatement, nous avons travaillé avec le tissu économique et industriel de notre région de différentes façons. Des entreprises comme EmotionTech (commercialisation d’imprimantes 3D en kit à visée pédagogique) et LaserSystem (spécialisé dans la vente de découpe laser et fraiseuse numérique), déjà membres du réseau ont tout de suite rejoint la mobilisation en participant aux échanges ou en produisant.

    Il y a eu également des liens immédiats et de l’entraide avec des fablabs d’entreprise comme Airbus, Thales ou Expleo. Airbus avec le fablab toulousain Artilect et l’aide de couturiers et couturières a produit en série un masque chirurgical pour le CHU de Toulouse à la suite d’un hackathon. Notre contribution a été de reconnecter le tissu industriel avec les besoins du territoire. Vers la fin de la mobilisation, des industriels se sont mis à faire de la visière ou des masques en grande série, il a donc fallu les aider sur les fichiers et surtout réorienter les besoins vers eux.

    Les bénévoles du fablab de Nîmes réunis autour de la production du jour (15 mai 2020). Photo : © Olivier Loynet

    Quels ont été les défis logistiques et matériels auxquels vous avez été confrontés ?

    Nous avons fait encore une fois ce que l’on sait faire : connecter et faire ensemble. Création d’un tableur partagé pour suivre les actions, création de fichiers d’attestation, commandes groupées… Par le biais du réseau, il a été facile de mutualiser les besoins et les ressources.

    Nous avons répondu en commun à l’appel de la Fondation Orange et ainsi pu obtenir les fonds pour acheter le matériel nécessaire. Des dons nous sont également parvenus : RS Components a envoyé plus de 200 filaments plastiques pour le réseau et Toulouse Métropole a offert 10 000 transparents que nous avons distribué aux membres du réseau toulousain et aux makers indépendants.

    Niveau logistique, pour nous soutenir, la région Occitanie a commandé plus de 11 000 visières. Nous avons répondu à cette demande tous ensemble et sur tout le territoire avec deux pôles de redistribution : Toulouse et Montpellier. En une semaine, nous avons fait toutes les démarches légales, distribué la commande et récupéré la production pour être livrés. Le dispositif FabRégion était là.

    Quel dialogue avec les pouvoirs publics sur votre territoire ? Comment la collectivité est-elle intervenue ?

    Nous avons répondu aux besoins des collectivités à travers des collaborations avec des équipements métropolitains ou municipaux dotés de fablabs comme IN’ESS à Narbonne ou La Bobine au sein de l’Innoparc à Auch qui ont produit des milliers de masques pour leurs communautés de communes.

    Nous avons surtout pu compter sur les collectivités pour nous épauler dans des aspects légaux et logistiques : comment ré-ouvrir nos lieux, comment faire en toute sécurité pendant la production solidaire, réponses groupées à des besoins locaux… On a toutefois aussi compris que notre travail de sensibilisation et de compréhension du mouvement maker était à poursuivre avec les collectivités afin de poursuivre cet effort d’agilité, de dialogue et de faire ensemble.

    Le F@bRiquet, fablab de l’association Planète Sciences Occitanie, transformé en chaîne d’assemblage et de conditionnement. Photo : © F@briquet

    Depuis quand votre fablab est-il rouvert ? Quelles incidences sur vos activités (vis-à-vis des publics, des partenaires, des productions) et votre économie ?

    La plupart de nos espaces ont rouvert dès que c’était possible, avec toute la difficulté des mesures sanitaires. On ressent tous que la vision des publics et des partenaires a changé. Nous avons encore une fois mutualisé nos informations pour ouvrir et surtout partager nos expériences. Nous avons démontré la force, l’impact et la nécessité du mouvement maker pour la fabrication de cette nouvelle société plus résiliente et intelligente.

    Quelles perspectives de collaboration pour les membres du réseau RedLab ?

    Le réseau était déjà là avant la crise, nous allons donc simplement poursuivre nos actions et faire ensemble. Nous avons l’objectif de continuer la consolidation de ce dispositif concret de FabRégion, mais aussi de FabDépartement ou de FabCity. Sur un cas concret, nous avons démontré que nous pouvions créer en très peu de temps une fabrication locale, distribuée et connectée. Les chantiers et domaines d’application sont nombreux, ils vont passer par une plus grande intégration au réseau des acteurs du faire, mais aussi des évènements, des rencontres, des projets communs… continuer à mailler intelligemment et efficacement le territoire. Pour faire simple, notre avenir c’est de continuer à faire ensemble la société d’aujourd’hui et de demain par de la connexion, du partage et de l’innovation collaborative et durable.

    Catherine Lenoble
    publié en partenariat avec Makery.info

    En savoir plus sur le RedLab, le réseau des fablabs & Assimilés d’Occitanie.

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