(Alger, Algérie)
Lyès Belhocine est un artiste multimédia qui mixe électronique, programmation et contenus audio-visuels pour proposer des expériences inédites à partir d’interfaces sonores, visuelles et lumineuses. Explorateur dans l’âme, il n’hésite pas à faire appel à d’autres intervenants (scientifiques et artistes) afin de créer des œuvres diversifiées pour des publics larges ou spécialisés.
Lyès Belhocine est né à Alger en 1985. Après des études en Communication et Médias Interactifs à l’Université du Québec à Montréal (UQAM, Canada), puis en Arts Numériques à l’Université de Californie à Santa Cruz (États-Unis), il enseigne en Musique Électronique, Programmation pour les Arts, Art Moderne, et Cinéma, au Canada et aux États-Unis. C’est en 2011 qu’il revient à Alger, en tant que travailleur indépendant dans le secteur de la création numérique, où il fonde en 2012 une entreprise (WAVES) produisant des installations interactives à buts ludique, éducatif et culturel.
À Alger, j’ai découvert une réalité tout autre que celle d’Amérique du Nord : pas de culture des arts numériques, pas de fonds de soutien pour les artistes, peu d’espaces de diffusion, et un accès très restreint à la technologie. L’investissement de son pays natal dans la Culture reste minime et lié aux institutions étatiques, où l’art numérique est inexistant, car méconnu.
Selon Lyès, il est nécessaire d’instaurer un dialogue avec les institutions publiques afin d’introduire l’art numérique en Algérie: d’abord une exposition d’artistes internationaux, par exemple. Cela permettrait de rallier les personnes intéressées, démarrer un processus de formation et créer une base d’artistes locaux.
Dans un pays touché par de profonds maux sociaux, dont les jeunes désirent s’évader physiquement (immigration, souvent clandestine) et psychologiquement (peu de loisirs, beaucoup d’interdits), l’artiste pense que les arts numériques permettraient d’introduire des canaux d’expression inédits. L’art numérique, parce qu’il est lié aux technologies de l’information et de la communication, de l’informatique et du multimédia, pourrait permettre de créer des emplois dans ces domaines.
Dans ses œuvres, on retrouve la culture du remix, où le mélange des sources donne naissance à de nouvelles trames ; l’art étant de créer de la cohésion entre des éléments qui ne sont pas a priori envisagés ensemble. Lyès voit dans l’assemblage des rythmes, sonorités, couleurs et thèmes d’horizons divers un potentiel de réconciliation plus profond, à un niveau sociétal et à l’échelle internationale.
CubiiC est une interface conçue et réalisée par Lyès Belhocine et Drew Detweiler (États-Unis) en 2011, et présentée lors de l’exposition Objets-Son dans le cadre d’E-FEST en Tunisie en 2012. Elle permet de mixer de la musique (tel un DJ) et de la vidéo (VJ). Ici, le paradigme du mixage des sources audio-visuelles est remis en question par l’introduction de cubes. Équipés sur chaque face d’émetteurs RFID (identification par radio-fréquences), les deux cubes permettent d’obtenir douze pistes sonores et visuelles. De plus, des capteurs tactiles proposent d’ajouter des effets en temps réel. Enfin, l’application développée arrange les sources pour qu’aucune erreur de mixage ne soit possible. Le résultat est une illusion parfaite de la maîtrise des techniques de mixage et procure au public satisfaction et amusement. Une performance utilisant l’interface est actuellement en développement.
Également conçu et réalisé par Lyès Belhocine et Drew Detweiler en 2012, Lumisketch est une application de traçage de lumière développée pour des performances de danse et de théâtre. Basée sur une simple détection de lumière, il s’agit d’une simulation du phénomène de persistance rétinienne. Ainsi, quiconque munit d’une source de lumière peut créer des tracés qui sont ensuite projetés. À la demande des publics et organisateurs de différents festivals, le projet, point de départ de Three Bodies, a pris son indépendance.
Three Bodies est une performance pluri-disciplinaire issue d’une collaboration entre des professeurs d’astrophysique, de danse, de musique et d’arts numériques de l’Université de Californie, et l’artiste Lyès Belhocine, en 2012. Avec le désir de mêler plusieurs disciplines autour du « Problème à Trois Corps », mouvements stellaires en astrophysique, la visualisation du problème crée une œuvre interactive. Les trois corps sont représentés par trois danseurs portant des chapeaux illuminés par des LEDs. Sous leurs pieds, la visualisation des mouvements stellaires leur sert de guide et, au-dessus de leurs têtes, un tracé en temps réel permet de montrer au public leurs trajectoires. À leurs positions, sont associées des données sonores, diffusées via six enceintes.
publié dans MCD #71, « Digitale Afrique », juin / août 2013
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