Démocratie – un art difficile
cahier spécial – décembre 2012
> Éditorial :
L’artiste citoyen
Internet et les réseaux sociaux ont transformé la participation citoyenne aux débats démocratiques. Les activistes du Web (Anonymous, Occupy, Indignés…) participent à l’émergence d’une conscience collective. L’anonymat et le pseudonymat permettent aux gens d’agir en tant qu’individus, avec la possibilité d’avoir plusieurs identités.
Fabrice Epelboin, membre du collectif de journalistes-hackers de reflets.info, dans un entretien donné à Xavier de la Porte (L’Impossible, L’Autre Journal, N°1), explique l’importance des chatrooms sécurisées qui ont permis aux tunisiens et aux syriens de communiquer sans se mettre en danger. Il affirme ainsi : La démocratie telle qu’on la connaît, c’est terminé. La démocratie représentative ne marche pas. Les formes nouvelles de post-démocratie qui sont en train de s’inventer, soit parce qu’elles font participer massivement les citoyens, soit parce qu’elle parient sur le fait de nommer des représentants au hasard, ne sont pas la démocratie où on l’entend d’habitude. (…) Ici en Tunisie, ce ne sera pas la démocratie telle qu’on l’entendait au XXe siècle. Ce sera autre chose. Un truc où les citoyens pourront tous participer à la vie politique de la cité et où les différences se feront par les capacités de chaque citoyen à influencer les autres, à rassembler les gens, à faire du buzz etc. Mais il faudra trouver un autre mot que démocratie.
À l’invitation de l’Ososphère, Musiques & Cultures Digitales a assisté au premier Forum mondial de la Démocratie de Strasbourg, et nos équipes conjointes ont suivi les débats sur la crise de la représentation politique et les défis démocratiques liés aux inégalités sociales. Ce tiré à part met l’accent sur les artistes qui investissent les réseaux et contribuent à la création de zones d’autonomie temporaires et nouveaux espaces d’expression démocratiques. D’autres artistes multimédia se réapproprient l’espace public à l’instar des activistes sociaux et politiques. Mention spéciale à Peter Kennard, figure de l’artiste engagé, et à Krzysztof Wodiczko, qui donne lui aussi la parole à ceux qui ne l’ont pas (vétérans de guerre en Irak, femmes de Tijuana, immigrants, sans domicile fixe…) et transforme l’espace urbain en gigantesque territoire artistique. A suivre…
Anne-Cécile Worms – Directrice de la rédaction
Un geste
Strasbourg a accueilli du 5 au 11 octobre 2012 la première édition du Forum Mondial de la Démocratie de Strasbourg, organisée avec le Conseil de l’Europe et réunissant plus de 1 000 responsables gouvernementaux, élus, dirigeants d’organisations internationales, représentants de la société civile, journalistes et experts venus des cinq continents pour confronter les différentes pratiques démocratiques dans le monde.
Sur le thème de La démocratie mise à l’épreuve : entre modèles anciens et réalités nouvelles, ce Forum s’est posé un certain nombre de questions essentielles dont celle de l’impact des nouvelles technologies de la communication pour la mobilisation citoyenne. L’Ososphère a été invitée à participer à ce temps de questionnement en se penchant plus singulièrement sur la thématique Valeurs virtuelles ? Démocratie et nouveaux réseaux sociaux. Notre proposition a été de venir nous immerger dans ce Forum en y emmenant des artistes parmi ceux qui traversent notre programmation et se questionnent, chacun à leur manière, sur les enjeux de la citoyenneté et de la démocratie; nous avons également constitué une équipe rédactionnelle en complicité avec MCD et Radio En Construction avec pour objectif de produire notamment la présente publication à partir de cette expérience du Forum.
Nous sommes régulièrement percutés au fur et à mesure de la trajectoire de l’Ososphère par des oeuvres qui interrogent l’impact d’Internet et des réseaux sociaux sur nos vies et sur les pratiques démocratiques, provoquant chez nous de nombreuses discussions – dont certaines partagées avec l’équipe de MCD. Cette action est ainsi née alors que nous ressentons le besoin qu’un débat complexe autour de ces questions vienne équilibrer les emballements médiatiques et la puissance séductrice des dispositifs afin d’amener les individus que nous sommes, découvrant tout-à-trac qu’ils sont devenus « friends » ou « twittos », à interroger à cet endroit-là également leur citoyenneté. Modeste et forcément parcellaire, cette publication n’est qu’un geste dans ce débat et nous espérons qu’elle contribuera à alimenter les conversations qui le feront exister en tous lieux.
Thierry Danet – L’Ososphère
> Remerciements :
Ville et Communauté Urbaine de Strasbourg, Conseil de l’Europe