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    Olivier Heinry

    Formation Art Interactif donnée à Bamako en décembre 2010. Photo: © Elise Fitte-Duval.

    / Je suis artiste-codeur, tel que Catherine Lenoble l’avait défini lors d’une discussion. On pourrait rajouter touche-à-tout. J’ai commencé par des études de lettres, avant de bifurquer vers les arts plastiques, de la radio et de rebondir aux Beaux-Arts de Rennes avec un séjour aux Beaux-Arts de Hambourg au milieu. En parallèle, j’ai travaillé dans un laboratoire d’analyses, ainsi que pour un cabinet d’architecture, tous deux en Allemagne. À la fin des études, j’étais plutôt dans l’art sonore et le web-design, en micro-entreprise, avant de devenir intermittent du spectacle. Cette période a été très riche, en terme de rencontres artistiques (avec l’éclairagiste Bruno Pocheron, Judith Depaule, Isabelle Schad et bien d’autres) et d’implication politique. Les grèves de 2003 ont coïncidé avec mes premiers pas sous Linux. En 2006, je me suis établi à Nantes, et j’ai rejoint Ping et participé activement à la communauté libriste à travers des formations données en France et en Afrique de l’Ouest et la naissance du Fablab Plateforme-C. J’ai par ailleurs de chouettes binômes à échelle humaine avec Aniara Rodado, Catherine Lenoble, Tidiani N’Diaye ou Pierre-Olivier Boulant sur des projets dont le point commun est de réquisitionner les espaces. C’est par le biais de Ping que j’ai rejoint Artefacts dès son ouverture.

    // Je crée du lien numérique en faisant du social… Tu lieras la création au numérique social… Il/Elle a numérisé la créativité sociale… Nous socialisons créativement des liens numériques… Ad lib. Ce n’est pas tant l’adjectif numérique accolé à création qui importe historiquement, mais plutôt l’inscription dans un clivage ancien entre des pratiques artistiques où tous les moyens sont bons pour parvenir à ses fins et des pratiques où le processus, la manière, le parcours importent autant que le résultat. Un moment important…

    Olivier Heinry, SeWiki, réalisation d’un wiki sous forme d’installation mêlant photo, texte, son, vidéo, versioning & authorship consacré à la ville de Séville lors de l’événement Siulab 2010. Photo: CC 3.0 BY -SA Olivier Heinry

    /// L’économie du partage a toujours existé, chez les jardiniers par exemple, à travers l’échange de graines. mais le numérique, le coût marginal du stockage & du déplacement de l’information, peuvent lui donner une accélération qu’il s’agit d’exploiter sans se laisser exploiter/cloisonner. Cela se traduit par des déplacements des espaces de travail quel que soit le champ envisagé : je me suis ainsi rendu à Dakar et Bamako pour des formations à l’art interactif qui s’adaptent à la réalité du terrain, certes, librement inspiré des méthodes agiles de l’industrie pour des contextes artistiques, mais qui ont aussi pour but de faire connaître le state-of-the-art dans le domaine du travail collaboratif, au travers de gestionnaires de versions décentralisés tel Git, à travers la publication sur des dépôts & serveurs libres de notes et documentation de travail de chacun, au fur et à mesure des avancées. C’est l’implémentation dans le domaine de la culture des avancées du logiciel et des licences libres issus des années 70 & 80.

    //// Cette dynamique « création numérique / lien social » est une nécessité ! C’est dans l’esprit des fablabs, des wikis : on documente et on partage ses étapes de travail, ses doutes, ses progrès. La défense des biens communs (et leur extension!) fait désormais partie intégrante de toutes mes activités. Il y a un écosystème à édifier, pour faire en sorte que l’art ne soit pas réduit à l’état de « commodity », pour citer Boris Groys. D’où mon engagement également dans une coopérative comme Artefacts, afin de proposer une alternative économique à une conception de l’artiste comme démiurge encore tirée du XIXème siècle, de l’artiste comme chantre de la beauté apollinienne.

    ///// Il y a un projet en cours nommé Heure locale, mené conjointement avec Pierre-Olivier Boulant, qui débute cet hiver par une série d’ateliers de fabrication d’objets autour de l’électronique, du hack, de la maîtrise de capteurs environnementaux à la Barakason à Rezé, mené en lien avec le montage dans l’espace public Dakarois d’un jardin collectif avec KerThiossane, dans le but de mettre en résonance l’enregistrement de données environnementales dans des espaces disjoints, la France et le Sénégal ici, au travers de la prise en main par les habitants de leurs lieux de vie.

    publié dans MCD #72, « Création numérique & lien social », oct. / déc. 2013

    > http://olivier.heinry.fr

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