un parc d’attraction mise sur la réalité mixte
Installé à Salt Lake City, The Void Entertainement Center est le premier parc de jeux entièrement dédié à la réalité mixte. Ce principe, qui suppose l’expérience du monde physique tout en intégrant les éléments d’un environnement virtuel en 3 ou 4D, est la seconde phase du développement de la réalité virtuelle. Une option pas forcément économique, en coût et en technologie, mais riche de potentiels, et choisie par les créateurs de The Void pour introduire les mondes virtuels dans nos vies.
Le monde de la réalité virtuelle (RV) se décompose aujourd’hui en trois segments, correspondants à trois sortes d’environnements différents. La « réalité virtuelle », qui décrit un univers artificiel qui se substitue à la réalité physique et dans lequel l’on s’immerge par le biais de casques qui coupent entièrement l’utilisateur du monde extérieur. La « réalité augmentée », qui correspond à un dispositif numérique permettant de voir le monde réel, autour de soi, « augmenté » de données et d’informations diverses (géolocalisation, informations touristiques, œuvres artistiques implantées dans le paysage, etc.) à l’aide de lunettes ou de tablettes. Et enfin, « la réalité mixte », nouvelle venue dans le champ lexical high-tech, se présente comme une troisième voie : il s’agit d’un dispositif permettant d’intégrer pleinement des éléments numériques virtuels en 3 (et bientôt 4) dimensions dans le monde réel, à travers un écran transparent, permettant ainsi une interaction totale (action / réaction) avec ses artefacts virtuels dans le champ du réel.
La guerre des terminologies
Les différentes dénominations dépendent également de la propriété des technologies permettant d’expérimenter ces nouvelles formes de réalités numériques. Pour Microsoft par exemple, à l’origine du casque Hololens, le terme de « réalité virtuelle » est obsolète. Leur projet est censé développer le prochain prototype de « réalité mixte ». Derrière son aspect plutôt classique (pour l’instant l’Hololens ressemble en effet beaucoup au Google Glass), le casque Microsoft est une « grosse machine ». Il dispose en effet d’un ordinateur embarqué, d’une série de capteurs et de caméras, qui intègrent des éléments d’animations numériques à la réalité environnent l’utilisateur (connecté à la Xbox, ce casque permet déjà d’afficher des éléments de sa télévision dans son salon). La différence avec les casques de RV du type Oculus ? Porter un Hololens, c’est un peu comme avoir un écran de télévision transparent devant soi, puisqu’il ne couvre pas toute notre vision. De son côté, d’autres géants des nouvelles technologies ont fait le choix de la réalité virtuelle, l’Oculus Rift suscité, désormais propriété de Facebook, isole totalement son utilisateur de son environnement réel. Les deux procédés sont actuellement en concurrence active, via Google (avec ses Google Glass) et Microsoft (et son Hololens), contre Samsung (avec sa VR Gear déjà commercialisée) et Facebook (avec l’Oculus).
The Void, le choix de l’interaction
Les créateurs de The Void (pour Visions Of Infinite Dimensions), eux, ont parié sur la réalité mixte. Un choix logique dans un environnement ludique. En effet, qui dit parc d’attractions dit « interactions ». Étalé sur un espace de trois hectares encore en cours de réalisation (le lieu doit ouvrir cet été), le parc bénéficie de cloisons modulables et d’accessoires qui peuvent être constamment modifiés. Équipés de casques numériques de type Hololens et harnachés d’un ordinateur contenu dans un sac à dos, six à huit gamers pourront se déplacer et vivre en direct l’expérience de la réalité mixte. Sur leurs écrans apparaîtront divers décors et éléments en 3D, tandis que les autres joueurs voient une version modélisée numérique de leurs adversaires. Croisement entre une lasergame arena ou une partie de paint-ball classique, le combat dans The Void comporte toutes les sensations originales censément ressenties par un joueur : tactilité de son environnement, effet de vertige sur des passerelles, impact des balles sur son corps. C’est là tout l’intérêt de la réalité mixte, permettant de vivre l’expérience du virtuel, mais également de déclencher des actions dans le monde réel (1). Pour ce faire, le joueur est équipé d’un casque à écrans OLED incurvés d’une résolution de 1080p, de prothèses audios THX, de micros pour les communications entre joueurs et d’une veste avec retour de force intégré. La réalité mixte se présente donc ici comme une véritable passerelle entre le monde réel et les environnements virtuels (2).
Le futur du divertissement
The Void préfigure certainement le futur du divertissement. À ce titre, Microsoft a déjà testé plusieurs configurations d’environnement en réalité mixte. Le projet RoomAlive par exemple, consiste à transformer une pièce réelle, avec tout son équipement, mobilier, etc., en pièce immersive en utilisant des projecteurs et caméras créant de la profondeur. La fameuse firme dirigée par Bill Gates est également à l’origine du jeu X-Ray, présenté en octobre dernier à New York. Le gameplay est entièrement dédié à la réalité mixte puisque le joueur est équipé d’un casque Hololens, et doit combattre toutes sortes de robots grâce à des rayons laser. Intégrant totalement l’environnement du participant, la réalité mixte est plus qu’une variante de la réalité virtuelle. Avec son écran transparent, elle se rapproche plus de la réalité augmentée, mais propose un élargissement du simple concept de visualisation de données (celle-ci n’est d’ailleurs pas exempte de critiques comme Chris Dannen qui déclarait dans Fast Company, elle n’améliore pas l’expérience utilisateur, au contraire, elle la complique ! (3). Ici, le public « augmente » sa réalité, mais de créations et de créatures en 3D qui investissent son univers quotidien.
Des promesses de développements stupéfiants
La réalité mixte promet beaucoup de développements, et ce également hors du cadre du divertissement. De fait, sa flexibilité présente des avancés bien réelles, encore inexplorées par la réalité virtuelle « classique ». L’utilisation de capteurs, installés absolument partout dans une pièce, et qui renvoient des informations au porteur de casque, permet de calculer la manière dont une fenêtre ou une porte s’ouvre, mesurant l’angle de rotation des gonds et de poignées, transmettant ainsi une sensation de réalité peu commune à l’utilisateur. D’autres projets sont en préparation, comme la réalisation d’environnements hospitaliers virtuels qui permettraient de former de futurs professionnels de la santé. La guerre des brevets faisant rage, d’autres sociétés comme LeapMotion, une start-up américaine, tentent actuellement d’adapter ce type de technologie de reconnaissance gestuelle à l’Oculus Rift. La caméra, dont est équipé l’Hololens semble bien être l’élément indispensable à la création d’un environnement interagissant avec l’utilisateur. Et, une fois n’est pas coutume, c’est le domaine de l’entertainment qui préfigure ces évolutions.
Une technologie prometteuse, mais à améliorer
Pour autant la réalité mixte, quelle que soit la société qui l’utilise ou la promeut, n’est pas sans défauts. Peu maniable (elle nécessite obligatoirement un ordinateur embarqué), elle oblige également le constructeur à inclure caméras, capteurs de mouvement et senseurs. Des éléments qui, s’ils sont meilleurs marchés aujourd’hui, n’en sont pas moins difficiles à intégrer dans un simple casque. Autre point d’achoppement, la réalité mixte étant également constamment en interaction avec le réel, elle n’est opérante que dans un environnement dédié. Les techniques de tracking (technologie permettant de coordonner éléments réels et virtuels) étant encore très complexes à mettre en place, elle est donc aussi sensible au changement et logiquement sujette aux erreurs. D’ailleurs Microsopft n’annonce pas la commercialisation de son casque Hololens avant 2020.
Maxence Grugier
publié dans MCD #82, « Réalités Virtuelles », juillet / septembre 2016
(1) www.internetactu.net/2010/01/27/de-la-realite-augmentee-a-la-realite-mixte
(2) Ibid
(3) www.fastcompany.com/3058259/most-innovative-companies/for-oculus-to-succeed-vr-needs-to-succeed