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    Recyclart

    Inter-Créativités Urbaines

    Né grâce à un projet européen à la Ville de Bruxelles qui désirait réaffecter la Gare de Bruxelles-Chapelles à un projet (multi)culturel proche du citoyen, Recyclart a développé, depuis 1998, une série d’initiatives qui en font un des laboratoires artistiques les plus intéressants de la capitale. Nous avons rencontré Marc Jacobs, directeur artistique, qui anime depuis neuf ans, avec une petite équipe militante, cet espace de passage unique où les flux de la ville rencontrent ceux de la création musicale, plastique, architecturale… avec le souci d’allier proximité et créativité au cœur de l’euro cité.

    Quelles sont, selon vous, les particularités du projet Recyclart, lieu pluridisciplinaire qui échappe aux catégories traditionnelles ?
    Je pense que le projet Recyclart répond aux décloisonnements actuels des pratiques, des disciplines, des publics aussi. Tout en étant attaché à ces « entre deux », on se pose nous-mêmes aussi régulièrement cette question sur notre identité… Recyclart se positionne comme un lieu pour les musiques actuelles, pour les formes hybrides en art plastique et audio-visuel, une plate-forme de réflexion autour de l’architecture, l’espace public et l’urbanité, et un engagement socio-artistique mobilisant un public plutôt de quartier autour de la photographie. Nous faisons aussi office de modérateurs entre le souterrain et l’institutionnel, l’artistique et le social, les formes d’expression expérimentales et populaires. Recyclart incarne aussi un réel projet bruxellois, ancré dans la ville et bi-communautaire francophone/flamand.

    Que signifient les « cultures urbaines » pour vous ? Comment l’appréhendez-vous dans les activités de Recyclart ?
    On ne peut être plus urbain qu’à Recyclart ! Une gare toujours en fonction, située dans une rupture urbaine qu’elle a créée sur la jonction Nord-Midi qui traverse le pentagone bruxellois… Nous sommes géographiquement situés à la frontière d’un ancien quartier populaire de Bruxelles, les Marolles et à un jet de pierre de la Grand-Place, haut lieu de tourisme du centre-ville. Avec tout ce qui croise notre chemin : demandes de soutien et de résidence pour les projets d’artistes, les curieux qui s’interrogent sur nos activités dans ce lieu incongru, des touristes japonais perdus en quête des horaires des trains, des clochards en manque d’affection, des jeunes vandales, les tags incessants… mais aussi notre voisinage direct (une école catholique, des fonctionnaires clients de notre bar-resto, Les Brigittines – Centre de la voix et du mouvement). La notion de « culture urbaine » me paraît encore assez vague. En musique, par exemple, quelles sont celles qui n’ont pas été d’une manière ou d’une autre influencées par la ville dans toutes ses dimensions ? (…) En ce qui concerne notre approche photographique, nous incitons les habitants du quartier à créer un archivage de leur quotidien et de leur quartier. Les préoccupations urbanistiques qui nous animent sont nées des aberrations architecturales bruxelloises du passé, mais aussi du présent, qui empêchent toujours la ville d’évoluer vers une réflexion urbaine plus « citizen-friendly ».

    Vous avez lancé des séries thématiques dans votre programmation qui donne la part belle aux découvertes croisées et aux têtes chercheuses musicales actuelles…
    Les cycles permettent de fidéliser un public et de faire découvrir de nouveaux artistes, ou des artistes méconnus. D’une manière générale, j’ai toujours posé ma programmation en « alternative » à ce qui se passait — ou ne se passait pas — à Bruxelles. Plusieurs cycles ont été lancés : Haunted folklore est une série de concerts / confrontations explorant le folklore musical hanté ou habité; qu’il soit ancien, traditionnel, expérimental ou actuel. Musiques organiques à la croisée de musiques électroniques, parsemées parfois de projections, d’installations ou de performances. La salle est aménagée avec des petites tables dans un esprit proche d’un cabaret. Nous avons accueilli des artistes tels que le duo psychobilly canadien Hank & Lily, le maestro free Evan Parker, le saxo-poète Ted Milton, le duo AGF/Delay, l’électro-post-folk britannique Leafcutter John, la Brésilienne Cibelle ou encore le combo norvégien Huntsville, le tout pouvant s’accompagner de projections et d’expositions. Dans le cycle Yeah!, qui se présentait sous la forme de concerts avec DJ’s, nous avons désiré offrir un bel écrin à des groupes de rock ou de punk actuel, tout en considérant les influences électroniques, tout simplement parce qu’il n’y avait rien dans le genre à Bruxelles ! Le contexte était résolument festif, dur et dansant. On a pu y voir des artistes tels que le duo belge The Acid Mercenaries, le groupe français Poni Hoax, les Anglais d’Adult ou encore le new-yorkais DJ/Rupture. Récemment, nous avons développé quelques soirées/concerts sous l’appellation No Kraut, partant de ce terme — assez vague — du krautrock pour aller vers l’électro-disco-psyché (Emperor Machine), la pop (Fujiya & Miyagi) ou un kraut plus récent avec des valeurs sûres, tels Burnt Friedman & Jaki Liebezeit, le légendaire batteur de Can.

    propos recueillis par Philippe Franck
    MCD #51, mars-avril 2009

    Site: https://recyclart.be/

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